Dans l’univers passionné de l’automobile de collection, certaines catégories de véhicules souffrent d’une réputation... disons, mitigée. Parmi elles, les fameuses « caisses carrées ». Ce terme évoque des silhouettes cubiques, des berlines aux lignes droites et parfois aux moteurs besogneux, bien loin de l’aura prestigieuse d’un roadster ou d’un coupé racé.
Pourtant, derrière cette appellation minimaliste se cache un pan entier de l’histoire automobile, celle des années 1920. Ces voitures dites « carrées » – Citroën C4, Peugeot 201, Mathis MY, ou encore certaines américaines évoquant les années prohibition – ont certes un design plus utilitaire que sensuel, mais elles possèdent un charme singulier et une histoire technique aussi riche que passionnante.
Des voitures « populaires », mais pas sans intérêt
Si les cabriolets d’époque séduisent par leur rareté et leur silhouette légère, les « caisses carrées » pâtissent de leur connotation familiale. Elles incarnent souvent la voiture de Monsieur Tout-le-Monde, celle que l’on utilisait pour aller au travail. Trop sages pour les amateurs de sensations, pas assez glamour pour les collectionneurs avides de chromes et de performances, elles sont régulièrement reléguées au second plan.
Et pourtant, ces autos ont bien des choses à raconter. Derrière leurs carrosseries rectilignes se cachent souvent des mécaniques simples mais robustes, pensées pour durer. Les 4 cylindres à soupapes latérales sont fréquents – une solution technique alors économique, fiable et facile d’entretien. Certaines versions, notamment américaines, osaient même le 6 cylindres ou le V8, preuve qu’il ne faut pas trop vite enterrer leur potentiel.
Une ambiance unique à bord
Ce que les « caisses carrées » n’offrent pas en performances, elles le compensent largement par leur atmosphère. Rouler dans une Citroën C4 ou une Peugeot 201, c’est faire un bond dans le temps. On découvre une position de conduite haute, un habitacle austère et quelques rares accessoires en bois ou en laiton, des petites manivelles pour relever les vitres et parfois même...un parfum de cire ou de cuir.
Pour ceux qui souhaitent transmettre la passion de l’ancienne à leurs enfants ou petits-enfants, ces voitures sont idéales. Elles inspirent la curiosité, la bienveillance et l’amusement. Leur conduite est une école de patience et d’anticipation, loin de la brutalité moderne. Elles invitent à la promenade plus qu’à la performance, et c’est tout leur mérite.
Restaurer ou préserver : une philosophie
Si l’on se penche sur le sujet de la restauration, les « caisses carrées » réservent aussi bien des surprises que des défis. Certaines, comme les Citroën, étaient déjà équipées de caisses entièrement en tôle d’acier, facilitant les restaurations modernes. D’autres, en revanche, comme certaines Renault ou marques aujourd’hui disparues, faisaient appel à des structures bois recouvertes de tôle – un artisanat plus complexe à réhabiliter.
D’où ce conseil avisé pour les collectionneurs en quête d’authenticité : mieux vaut parfois une auto « sortie de grange », à l’état d’origine, avec sa patine, son histoire et ses défauts assumés, qu’une restauration approximative réalisée dans les années 70-80 avec des tissus de grande surface et une peinture trop brillante pour être honnête. Le « dans son jus » retrouve ses lettres de noblesse, et c’est souvent dans ces voitures restées fidèles à elles-mêmes que se niche l’émotion.
Un goût retrouvé pour l’authentique
Aujourd’hui, les choses changent doucement. Si certains continuent de chercher les GT sportives et les icônes d’avant-guerre, un public plus jeune ou plus iconoclaste commence à s’intéresser à ces véhicules injustement boudés. Moins chers à l’achat, parfois plus simples à entretenir, ils permettent une entrée en douceur dans l’univers de la collection, tout en offrant une expérience authentique.
Au Club Classic Expert, nous encourageons cette redécouverte. Derrière chaque « caisse carrée », il y a un passé, un usage, une famille, une époque. Et surtout, il y a un potentiel émotionnel que seules les voitures anciennes savent encore offrir. D’ailleurs, notre parrain Igor Biétry, grand passionné et défenseur de ces autos d’avant 1945, en fait la démonstration à travers L’Estival du YCAR, un événement unique qu’il organise les 28 et 29 juin 2025. Ce rassemblement chaleureux, ouvert aux véhicules d’avant-guerre, prouve que les « caisses carrées » ont toute leur place dans le paysage de la collection — pourvu qu’on sache les regarder autrement.